RECENTE MĂRTURII ARHEOLOGICE REFERITOARE LA COABITAREA DACO-ROMANĂ, DESCOPERITE LA TIRIGHINA-BARBOŞI

AUTHOR: Ion T. DRAGOMIR

SOME RECENTLY DISCOVERED ARCHAEOLOGICAL TESTIMONIES REGARDING THE COHABITATION BETWEEN DACIANS AND ROMANS, FOUND AT TIRIGHINA-BĂRBOŞI

Danubius, XVI, Galaţi, 1996, pp. 419-452.

TÉMOIGNAGES ARCHÉOLOGIQUES RÉCENTS SUR LA COHABITATION ROMANO-DACE, DÉCOUVERTES À TIRIGHINA-BARBOŞI

Résumé

Après un bref historique des sources moldaves attestant la présence de l’important monument romain de Tirighina-Barboşi, l’auteur évoque les recherches archéologiques entreprises dans ce site par le „paharnic” Gh. Săulescu, de Iaşi, par Vasile Pârvan et par Gheorghe Ştefan, ainsi que l’activité du collectionneur de Galaţi, le docteur Alex. Nestor Măcellariu, qui a sauvé beaucoup de pièces provenant de ce camp romain situé aux bouches du Siret.
On a étudié et relevé dans une forme strictement scientifique un grande nombre des objets intéressants offerts par les campagnes de fouilles entreprises chaque année par le Musée d’historié du département de Galaţi, en collaboration avec l’Institut d’histoire et d’archéologie „A.D. Xenopol de Iaşi”, dans ce site daco-romain bimillénaire, du sud de la Moldavie. L’auteur s’est proposé d’exposer les découvertes archéologiques faites au cours des campagnes de 1978-1979 dans l’établissement civil romain. Il s’agit, plus précisément, des vestiges d’une habitation romaine de surface, dénommée IN, située dans la partie ouest du camp, à 35 mètres du mur d’enceinte qui descend sur la pente de la colline de Tirigina, dans la direction nord-sud, et à 13 mètres nord-est du tumulus funéraire romain à cercles de pierre.
En vertu de toute sa structure matérielle et architecturale, cette habitation représente un véritable type architectural géto-dace, adopté à une large échelle, entre autres, dans l’établissement civil de Barboşi, puisque, à côté des habitations romaines spécifiques, aux murs en pierre, on y relève de nombreuses habitations, à demi-enfouies dans le sol ou de surface, aux parois de poutres et de branchages recouvertes d’un enduit, telle que l’habitation IN, située sur une terrasse ensoleillée de la colline de Tirighina, avec sa façade vers le sud, dans une position des plus salubres.
En dehors de la question de ses matériaux de construction, l’habitation romaine IN présente un intérêt particulier par les objets d’usage ménager qui constituent son mobilier. Ces objets sont répartis, suivant leur matériel, leur forme, leur dimensions et leur emploi en:
a) outils, à savoir: trois fragments d’un moulin à bras rotatif en calcaire coquillifère (meta et catillus); quatre fusaïoles géto-daces en terre cuite, tronconiques, bitronconiques et globulaires aplaties, de couleur grise, à brûlure secondaire; deux queux en grès siliceux, de forme prismatique, aux surfaces profondément creusées par un usage prolongé; un poids de filet de pêche, fait d’un fragment de tuile romaine; un grand marteau de pierre verdâtre, polie, d’aspect naviforme, à fortes traces d’usage, spécifique pour l’âge du bronze et donc sans rapport chronologique avec le site; la présence de cette pièce peut être considérée comme un souvenir précieux, hérité de génération en génération, ou bien comme une trouvaille locale remployée dans le cadre de la civilisation daco-romaine. Outre ces outils, on a découvert un morceau de minerai à cristaux étincelants, dorés et argentés, et glomérules blancs de pierre; différents fragments métalliques (fer, bronze et plomb) informes, portant des traces de travail; des morceaux de bois de cerf à brûlure secondaire, etc.
b) armes: 11 lamelles ou «écailles» provenant d’une lorica squamata, dont 7 entiers et 4 à l’état fragmentaire, de forme rectangulaire, ayant parfois l’une des extrémités demi-circulaire, de dimensions variées, percées de 3-4 et de 10-11 orifices de préhension, aussi que deux anneaux en bronze qui pourraient provenir d’un autre type d’armure, lorica hamata.
c) céramique romaine et géto-dace, présentant un intérêt particulier non seulement sous le rapport quantitatif ou typologique, mais surtout par le fait de sa coexistence dans l’habitation romaine IN. Parmi les formes caractéristiques de la poterie roumaine, on remarque en premier lieu trois amphores: l’une entière et deux à l’état fragmentaire, sans col ni anses, en pâte rose jaunâtre et rouge brique, de forme ovoïdale-piriforme, à col court et au pied pourvu d’un anneau d’appui, à cannelures horizontales; deux d’entre elles ont sur l’épaule des tituli picti, en peinture rouge. Puis, trois pots de forme sphéroïdale, au rebord évasé, à cannelures intérieures et extérieures, à deux anses; ils sons en pâte fine, rouge brique, recouverte de peinture rouge brunâtre; deux d’entre eux ont quelques lettres grecques griffonnées sur l’épaule. Dans la même catégorie, des vases d’usage commun, il y a trois cruches globulaires, à col court et à une ou deux anses; deux sont faites d’une pâte beige jaunâtre et ont l’embouchure en forme d’entonnoir, tandis que la troisième est faite de pâte rouge brique, à l’embouchure bitronconique et a un caractère funéraire. Parmi les vases de toilette, une seule boite à onguents, à l’état fragmentaire en pâte rouge brique, piriforme, à cannelures peu saillantes sur toute sa surface. Les brûle-parfum, vases cultuels ou d’éclairage comportent deux exemplaires: l’un entier, l’autre à l’état fragmentaire, respectivement faits d’une pâte rouge brique et beige, en forme de fruitière à pied. Parmi les lampes à huile de l’habitation IN, l’auteur présente quatre exemplaires différents comme forme et comme dimensions, comportant un, trois ou cinq becs. Outre la céramique d’usage commun, il convient de mentionner quelques fragments de sigillés, d’importation.
Quant à la céramique de l’habitation romaine IN spécifique pour la culture géto-dace, elle porte en grande mesure l’empreinte de la cohabitation daco-romaine. Sont à mentionner trois bocaux de dimensions grandes ou moyennes, dont l’un entier et les deux autres à l’état fragmentaire, en pâte brun ou brun rougeâtre, modelés grossièrement à la main et ornés de cordons en relief; deux tasses ou cassolettes géto-daces, vases bien autochtones, modelés é la main dans une pâte grossière; ils sont de forme tronconique et pourvus de fortes anses; l’un d’eux a l’embouchure trilobée, à l’imitation de certaines cruches romaines. Dans le contexte archéologique de la maison romaine IN, on peut citer la présence d’un type de vase nouveau, résultant d’une véritable hybridation de la cassolette géto-dace: le nouveau type de cassolette daco-romaine est de forme tronconique, sans anse, modelée au tour en une pâte de couleur brique.
d) récipients en verre, à l’état fragmentaire prononcé, au point qu’il
est impossible de préciser leurs formes et dimensions.
e) objets de parure, accessoires vestimentaires et autres pièces similaires. A mentionner: deux fibules en bronze, dont l’une à l’arc court et à facettes, avec porte-agrafe trapézoïdal à long pied, se terminant par une protubérance triangulaire, et l’autre en forme de rosette, ajourée en croix et avec porte-agrafe à charnière; un petit instrument en bronze, à l’état fragmentaire, servant à certaines pratiques médicales; une clochette pyramidale en bronze; six perles en pâte de verre, globulaires, tabulaires ou à facettes, multicolores et fortement irisées; deux médaillons – pendeloques, dont l’un polyédrique et l’autre lenticulaire, plan-convexe, en pâte de verre polychrome; deux appliques coulées en bronze, dont l’une en forme d’ancre et l’autre en forme de «X», ajourée; un disque en plaque de bronze, à quatre petits pieds en forme de calottes sphériques, ayant probablement servi de support d’une cassette en bois; un petit poids en plomb, conique, pourvu d’une protubérance latéral; un petit morceau de plaque de bronze rectangulaire, à cinq orifices disposés symétriquement sur la surface de l’objet.
f) six monnaies romaines en bronze, dont quelques-unes seulement en bon état, datant des règnes des empereurs Caracalla (198-217) et Geta (209-112). En se fondant sur ces monnaies, ainsi que sur l’ensemble du mobilier, l’auteur a daté l’habitation IN de Tirighina-Barboşi dans les premières décennies du III-e siècle de n.è.
g)enfin, deux statuettes des divinités romaines, l’une en marbre blanc, représentant Dionysos ou Bacchus, l’autre en terre cuite, représentant un groupe de statuettes de divinités romaines danubiennes.
A la suite de cet exposé plus ou moins exhaustif du mobilier de l’habitation romaine IN du site de Tirighina-Barboşi, parmi lequel il convient de souligner particulièrement les outils, le répertoire céramique daco-romain, les pièces métalliques et les deux statuettes dédiées au culte dionysiaque et à la triade de divinités danubiennes, on est autorisé à parler, sur des bases concrètes, non seulement de l’existence d’un processus de symbiose entre les éléments autochtones géto-daces et ceux romains, mais aussi, tout particulièrement, d’une synthèse prégnante d’affinités et de cohabitation daco-romaine dans le sud de la Moldavie.

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